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ikofanu around the world
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19 janvier 2007

Par les Iles éoliennes...

    Arrivé à Randazzo en fin de journée après avoir stagné à Linguaglossa, je recherchais vaguement le moyen de retrouver cette fille, puis m’arrêtai dans une agence de voyage pour y conter mon histoire. La ville était belle de nuit, mais l’idée me plaisait de dormir chez l’habitant ce soir-là. C’est finalement un pauvre homme épris par l’alcool qui me proposa sa casetta de l’autre côté de la conca, vallée encaissée qui séparait la ville haute de ses alentours. Il y coulait une forme de rivière que je ne pouvais qu’entendre couler doucement avec un bruit d’oiseau. Le vieux célibataire m’arrêta un instant vers sa cave pour me faire goûter le vin qu’il récoltait lui-même. Au bout du troisième, je lui faisais remarquer que je n’avais pas encore mangé et que je préférais me réserver pour la route de demain. Il comprit finalement et fièrement m’emmena dans la petite maison de campagne de bois qu’il avait lui même construit. C’était un havre de paix, pour moi seul. De là, je voyais les lumières de la ville, en face, et les deux dômes qui la plantaient.


Le lendemain, je passais la matinée tranquille à la casetta avant de rejoindre le centre-ville pour y attendre le bus de quatorze heures. Un bon panino, une petite discussion avec des conducteurs enthousiastes et pas mal de lecture de mon livre « contre le travail » que je trouvais décidément de plus en plus couillu. Entre quatorze et seize heures, j’ai eu mon premier mal de mer du voyage en traversant les Nebrodii, et mon premier mal de cœur aussi tant cette région est belle, et de ne pas pouvoir la faire plus lentement… Pourtant, par ce côté, je n’aurais jamais pu rejoindre Milazzo à temps. Encore montagneuse, bien sûr. Mais en bus, j’avais l’impression d’être à dos de chameau. Je n’arrivais plus à lire. La route était en épingle à cheveux et je craignais chaque fois qu’un autre car aille à la même vitesse en face. Je ne sais pas comment j’aurais fait si j’avais croisé un de ces bus si j’avais été en vélo… la descente fut douce, mais toujours impossible de lire. Je me contentais de prendre quelques photos du paysage magnifique, par dépit. Il y avait même des chèvres et des moutons, je souhaitais alors ardemment retrouver ces odeurs un peu plus tard dans le centre de la Sicile. D’où ma nouvelle motivation pour reprendre le chemin le plus vite possible et rattraper le retard. Une journée de repos entre hier et aujourd’hui, je n’aurais jamais dû, surtout à dix jours de la fin du raid, c’est une hérésie. Çà casse toute dynamique, surtout après une étape aussi difficile que l’Etna. J’avais failli pourtant continuer sur ma lancée…

Ce bus m’a déposé sur la nationale pour Messina. Loin devant. Je n’allais pas si loin. D’autant que j’y étais déjà passé. Je n’en avais pourtant pas fini des boucles. Quelques côtes que mon vélo refusait de monter, mais finalement un court parcours avant d’arriver à la mer. J’ai ensuite fait la route pour Milazzo de nuit, accompagné par pas mal de cyclistes qui profitaient du vent dans le dos du littoral. Je me surprenais à aller à la même vitesse qu’eux, malgré mon lourd bagage dans le dos, et je m’amusais à me laisser dépasser allègrement pour les rattraper quelques secondes plus tard à un rythme fou, simplement pour leur poser une question anodine. Çà leur cassait un peu les jambes, c’et vrai. Sauf un, qui m’a demandé de le suivre pour trouver mon chemin. Peut-être pour se venger, il m’emmena sur une lancée de 35km/h jusqu’au « borgho », correspondant au vieux centre, qui se trouvait tout a fait en haut sur la colline, alors que j’avais demandé  « il porto ». le vent, sûrement, aura piégé mes mots…

Nous sommes alors redescendus… je me disais aussi, un port en haut !


Dans Milazzo, je n’ai pas vraiment trouvé mon bonheur, en restant dans les quartiers du port, normal. J’ai pris un billet pour les îles éoliennes. Le premier que j’ai pu. Je découvrais l’existence de ces gros hydroglisseurs que sont les Aliscafi, plus rapides et accessibles aux seuls passagers. Il passait devant moi au moment où j’arrivais en ville. J’arrivais finalement vers minuit sur l’île Vulcano. J’étais seul à descendre. Et j’étais seul sur le port. La petite place était comme une mise en scène. La brume colorée en jaune par les lumières du débarcadère se mélangeait aux fumerolles odorantes des bains de boues volcaniques du Ponente, partie nord occidentale de l’île. Un paysage lunaire en pleine nuit sans lune. J’étais sur la lune. C’était féerique. Je pénétrais les riches propriétés alentours aux jardins tropicaux et aux murs blanchis par les spots qui y projetaient des chiens de garde silencieux.


Levé de bon matin après m’être couché dans une des barques de la petite plage du port, par défiance et parce qu’il faisait fort bon, à deux heures du matin. Le Zéphyr m’avait prévenu de la rosée, mais lorsque je me couchais, elle était déjà passé et j’avais prévu pour le matin, en mettant un vieux chiffon bricolé de maille de filet de pêche qui sentait bon la mer, mais imbibait bien aussi sous mon duvet, m’évitant les fuites. A six heures, j’avais dormi au moins les deux heures récupératrices. Je suis allé prendre un léger petit-déjeuner après avoir observé le premier aliscafo qui arrimait sur le ponton, le tout aux couleurs rosées du matin. Puis je partais vers neuf heures vers le volcan au moment où l’île se réveillait. Bien fait de visiter les alentours de nuit. Pour une fois, sans mon sac, je me sentais capable de traverser des montagnes. Pourtant, les premiers kilomètres furent difficiles et le paysage magnifique, avec le volcan sur la gauche et les autres îles qui se profilaient tranquillement avec les décrochements progressifs vers le sommet. Sept kilomètres à monter quand on s’y prend doucement, avec technique, endurance et motivation, on peut le faire. Je me suis arrêté au plus haut, au niveau de l’église, puis j’ai passé l’école, la poste pour aller chercher des cartes postales et enveloppes un peu plus bas et remonter à la poste.. Arrivé à 9h30 au sommet, je n’en suis parti finalement qu’à midi et en dix minutes, j’étais devant l’entrée du chemin qui mène au volcan, après avoir fait une descente de six kilomètres, 400 mètres plus bas. Je devais refaire à pied 300 mètres de dénivelé. Et quel dénivelé! j’ai monté le Vulcano en trente minutes comme prévu, prises photographiques comprises, et je suis arrivé jusqu’à la bouche du cratère principal visible à travers les vapeurs des fumerolles alentour. Evitant tant que je pouvais les pierres couvertes de soufre tiède. Sans succès. On m’avait dit qu’il abîmait les vêtements. Je m’imaginais mes chaussures trouées le lendemain… redescendu en un quart d’heure. Je rejoignais à temps le port en passant rapidement devant la plage du ponant - noir de sable – et son bain de boue pour récupérer mon sac au bar du coin, le seul du port. J’avais cependant oublié ma gourde dans l’église, dans l’emportement de ma foi crétine, tout comme j’avais laissé mon seul pull polaire la veille à Milazzo et mes gants, une deuxième fois dans la chambre du refuge de la Sapienza. Alors que j’aurais pu par un moyen ou un autre les récupérer, et connaissant ces moyens, je ne fis rien et accepter mon destin. Je me semais en Sicile. C’était parfait. Espérons que je m’arrêterai à mon slip… dans un sens, je préfère perdre les choses qui me pèsent mais dont je n’ai cure plutôt que mon vélo ou mon portefeuille, m’enfin !

A quatorze heures, je prends le machin-flotteur (hydrofoil) pour Stromboli. En fait pour Lipari, avec changement pour Stromboli. Un bon quart d’heure d’attente. Temps maussade. Cela ne sert à rien de regarder par la fenêtre, et de toute façon, le bateau va trop vite et le pont supérieur est interdit. De plus, le billet est cher et le personnel a oublié d’être courtois dans la vie. Je suis maussade aussi.

Arrivé à Stromboli, avec une bonne heure de retard, plus le temps de visiter le volcan. Pas de douche chaude sous mon toit. Un village suspendu, morne et mort. Seuls les trois-roues, et quelques vélos hasardeux, circulent sans feux dans les rues étroites et tortueuses de la ville construite en château de cartes, comme une ville des îles grecques, avec les mêmes murs blanchis dont parlait le guide du routard. Je décide tout de même de me laver, à l’ancienne et de me préparer pour demain un bon petit déjeuner. Heureusement, au hasard, à la recherche d’un café, je tombe sur Massimiliano, un ragazzo rencontré au port, propriétaire d’un bar-restaurant très sympathique à deux pas de l’église San Vincenzo et qui me redonne du baume au cœur, avec des chips et une bonne bière italienne à consonance alsacienne. Il fait presque bon dans le restaurant malgré mon polaire en moins. Les gens chaleureux jouent une espèce de poker sicilien et sont en train de sortir les billets quand j’attends encore mes pâtes, mais c’est pour la bonne cause (cosa nostra)… les premières pasta à la Norma !

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